L’entraînement du policier – Une nécessité !
Cet article se veut d’une part informer la population des exigences physiques que peut comporter le métier de policier et d’autre part sensibiliser le policier pour qui le maintien d’une bonne condition physique aurait pu être négligé durant les dernières années. Bonne lecture !
Les policiers patrouillent dans nos villes afin de nous aider en nous assurant une sécurité et le respect de nos droits. Ils sont un exemple et une image pour la société d’aujourd’hui ainsi qu’un modèle pour nos jeunes. Combien d’adolescents voit-on rêver de devenir policiers un jour ? De posséder une carrure imposante, une masse musculaire bien développée et un uniforme qui, tant soit peu, est très prisé chez le jeune à la recherche d’une carrière valorisante (sans parler du nombre de femmes qui craqueront également pour cet homme vêtu d’un uniforme !) ?
Le métier de policier a eu son lot de caricatures dans les dernières décennies. Nous n’avons qu’à penser à l’image d’un policier mangeant son beignet dans sa voiture. Par contre, cette image n’est en rien le reflet de l’exigence réelle que peut comporter le métier de policier. Penser aux poursuites à pieds, aux altercations, aux sauvetages de victimes sur terre ou dans l’eau, etc. Ces épreuves demandent une bonne condition physique et une ville se doit alors d’être en mesure de fournir à ses citoyens une équipe de policiers prête à intervenir en tout temps. Ils assurent le bien de votre famille, le bien d’une communauté entière.
Dans les paragraphes qui suivront, nous verrons tout d’abord quelques statistiques concernant l’état de santé actuel de nos policiers. Par la suite, nous découvrirons les exigences physiques de ce métier ainsi que le risque de blessures associé pour ensuite conclure avec les grandes lignes de l’entraînement qui s’y rattachent.
État actuel de la santé des policiers
Plusieurs études se sont penchées sur les statistiques concernant le bilan de santé des policiers d’aujourd’hui. Toutefois, la majorité des études qui seront citées ci-dessous ont été accomplies aux États-Unis et en Finlande. Cela n’est peut-être pas une représentation exacte de nos constats québécois, mais cette analyse de nos voisins américains et de ceux d’outre-mer nous permettra d’avoir au mieux un œil plus clair sur ce qui est en train de se produire ici ou bien un aperçu de ce qui s’en vient si rien n’est fait.
Le premier point analysé par les études est l’importance de la présence du syndrome métabolique au sein des policiers. Le syndrome métabolique est un ensemble de signes physiologiques qui accroissent le risque de diabète de type II, d’accident vasculaire cérébral et de maladies cardiovasculaires (MCV). Il suffit d’avoir trois facteurs ou plus présents (liste en page suivante) pour être en présence de ce problème.
➢ Obésité abdominale
➢ Triglycérides élevés
➢ Hypertension
➢ HDL faible
➢ Glycémie élevée
Par exemple, si nous regardons l’impact d’une trop grande circonférence de taille ou obésité abdominale sur la santé, nous pouvons affirmer que si la circonférence de la taille d’un homme est entre 94-102 cm, le risque d’avoir au minimum un facteur de risque de MCV est le double qu’un homme avec une circonférence de taille sous les 94 cm. De plus, si la circonférence excède les 102 cm, le risque s’élève à plus de 4 fois lorsque comparé à un homme ayant une circonférence sous les 94 cm. Par ailleurs, Sorensen et coll. (2000) ont montré qu’environ les deux tiers des sujets policiers (64 %) excédaient les 94 cm de tour de taille et que 38 % d’entre eux excédaient les 102 cm rendant cette population à risque de maladies cardiaques.
La prévalence du syndrome métabolique chez les adultes américains est estimée à 24 % par la NCEP III (National Cholesterol Education Program). En comparaison, une analyse a été faite chez les policiers et les résultats ont montré que 23/84 policiers, soit 27,4 %, ont testé positif au syndrome métabolique. Ces données suggèrent donc que l’incidence du syndrome métabolique chez les policiers peut être plus élevée que la population américaine et que les policiers seraient donc à risque de MCV (Humbarger et coll., 2004). De plus, après l’âge de 20-29 ans, le risque de MCV est plus élevé que le groupe de référence, soit la population générale (AM) (figure suivante). Toutefois, le fait d’augmenter les niveaux de la condition physique, estimé par le temps sur tapis roulant, est associé à une diminution des facteurs de risque d’attaque coronaire chez les policiers (Petratis et coll., McCartney et coll., 2006). Ainsi, pour un officier, l’activité physique serait en mesure d’améliorer la qualité de sa vie et réduire le risque de blessures durant des situations stressantes au travail.
Le second point analysé est l’évolution de la condition physique générale telle que vue par des tests cardiovasculaires et musculo-squelettiques. Les résultats de l’étude de Sorensen et coll. (2000), qui a comparé l’évolution de policiers sur une période de 15 ans, montrent qu’en 1996, les activités physiques dans les loisirs étaient plus sous forme d’activités de type endurance aérobie (marche, course, vélo, ski, marche en orientation, etc.). En tout, 26 % des sujets physiquement actifs faisaient de l’entraînement musculaire. De ce fait, les résultats des tests sur la puissance aérobie maximale (PAM) et des performances musculaires obtenues en 1996 sont significativement plus faibles que ceux en 1981 (table en page suivante). Ainsi, cela démontre que les qualités musculaire et aérobie, généralement acquises au collégial, ne sont pas maintenues de façon permanente chez l’ensemble des policiers. Celui soucieux de sa condition physique devra alors inclure davantage d’entraînement musculaire à son horaire afin de maintenir ses performances physiques à la hauteur de son métier.
Par ailleurs, nous connaissons tous la petite rivalité qui peut exister entre les policiers et les pompiers d’une même municipalité. Une étude (Luke et coll., 2006) présente la comparaison entre ces deux groupes au niveau de leur condition physique générale et a analysé les changements chez les policiers et les pompiers sur une période de 6 ans (table suivante).
Les résultats démontrent que les pompiers possèdent un meilleur maintien de la condition physique et de la santé générale que les policiers. Toutefois, ces derniers ont pris moins de graisse que les pompiers, mais leur pourcentage de graisse reste tout de même 1,9 % plus élevé. D’un autre côté, Vail et coll. (2007) ont démontré que les policiers possédaient un meilleur temps de course, une meilleure force au bench press et une meilleure force relative que les pompiers. Chacun a donc ses forces et ses faiblesses !
Exigences des tâches physiques d’un policier
Les policiers doivent être en mesure d’exécuter un large éventail de tâches physiques. Une qui peut nous venir en tête rapidement est, par exemple, la course après un voleur ! Évidemment que durant la carrière d’un policier, il est attendu qu’il devra courir, mais sur quelle distance ? Et à quelle vitesse ? Les policiers vous diront que la moyenne d’une course après un criminel est moins de quelques immeubles de ville, soit l’équivalent d’un sprint. Par la suite, ajouter à cela des éléments à contourner ou à surmonter tels que des voitures, des aménagements paysagers, des clôtures et des immeubles. Ces accélérations et ces sauts d’obstacles sont des tâches de type anaérobie, soit sans l’implication de l’oxygène, et se doivent d’être entraînés afin de finalement rattraper le fameux bandit en fuite !
Un autre exemple de tâche est le combat (altercations). Une lutte physique suivie d’une arrestation est normalement de courte durée et à une haute intensité. Selon des recherches, dans plus de 75 % des incidents, la quantité de résistance est catégorisée de modérée à élevée. La durée des luttes varie de 30 secondes à 2 minutes majoritairement, avec seulement 25 % de celles-ci qui durent plus de 2 minutes (FitForce, Health and Fitness programming, 2005). Ces combats sont généralement décrits en termes de lutte ou de grippe, et moins de boxe ou de coups de poing. Ces luttes courtes et intenses sont également des tâches de type anaérobie.
De façon générale, les compétences physiques d’un policier sont (Mol et Visser, 2004) :
➢ Soutenir une poursuite (durée maximum : 5 minutes ; fréquence cardiaque : 75-100 %) ;
- continue vs intermittente ;
- en ligne droite vs avec changements de direction ;
- avec obstacles vs sans obstacle ;
➢ Contrôler un suspect non coopératif (charge physique) ;
➢ Transfert manuel d’un suspect/victime ;
➢ Transfert manuel d’objets lourds.
Les policiers requièrent donc, par nécessité, d’être forts, rapides, agiles, puissants, de réagir rapidement et d’être précis et flexibles. Ces éléments se doivent d’être travaillés préalablement afin de maximiser l’efficacité de réussite du policier. Si cela n’est pas pris en charge, avec l’augmentation du nombre d’incidents de crimes de nature violente, souvent occasionné par des délinquants répétitifs qui ont consacré des heures et des heures à l’entraînement en force musculaire et en cardiovasculaire pendant leur incarcération, jumelée à un entraînement inadéquat des policiers, cela nous mènerait à un désastre auquel le public et le département est perdant. Malgré les progrès qu’il y a eu et qu’il reste à faire au niveau du conditionnement physique dans les métiers tactiques et opérationnels, il serait intéressant d’évaluer pour les organisations d’application de la loi les bénéfices à long terme d’un encadrement régulier de leur condition physique chez les policiers.
À travers une carrière de policier, le département offre de la formation sur les habiletés essentielles tels le tir, l’utilisation de la force et la poursuite en voiture, mais la plupart des départements n’offrent aucune formation dans la sphère de l’activité physique. L’endurance, la force et le conditionnement physique sont souvent des facteurs critiques qui déterminent le vainqueur entre le policier et le criminel ou pour donner assistance à d’autres conditions d’urgence (Leal, 2006). En créant de la formation dans le domaine de l’activité physique, le département va bénéficier de l’œil du public en produisant plus de professionnels et un regard impressionnant des policiers qui aideraient à combattre le stéréotype négatif du policier « out-of-shape » qui mange des beignes. Il y a des tâches spécifiques auxquelles une mauvaise performance physique place les policiers et le public en danger. Cela inclus les courses de courtes et de moyennes distances, les montées des marches ou l’escalade de clôtures, sauter et esquiver des obstacles, soulever des objets lourds ou des personnes pesantes, faire glisser et tirer des objets, se pencher et atteindre un objet quelconque, utiliser la force (courte et moyenne durée) et utiliser ses pieds et ses mains à terme d’autodéfense. Bien que la fréquence de tâche à haute composante physique soit faible, il y a une part de responsabilités si le policier n’est pas en mesure d’exécuter la tâche. En comparaison, garder une bonne condition physique est similaire à la qualification pour les armes à feu. Ils ne sont pas utilisés souvent, mais lorsqu’ils le sont, il est important d’être prêt à l’utiliser.
Blessures potentielles face au métier
Quelques-unes des blessures surviennent lorsque les policiers sont en train de courir, sauter ou de se défendre contre un suspect. Les chercheurs ont conclu que les policiers qui ne font pas assez d’exercices régulièrement pourraient éviter ces blessures s’ils avaient fait de l’exercice. De plus, les policiers qui s’entraînent régulièrement, comme les membres du SWAT (Special Weapons And Tactics), sont rarement blessés. Le type de blessure le plus souvent reporté au SWAT est très similaire à d’autres pratiques athlétiques (coupures, lacérations sans point de suture, coup de chaleur, etc.) (Kalynych et coll., 2007). Le département doit alors considérer si cela coûte plus cher d’implanter un programme d’entraînement physique ou de recruter de nouveaux policiers ? Si un policier qui a été entraîné et qui a de l’expérience est perdu, combien coûte cette compétence ? Combien le département paie pour remplacer un policier pour la formation, pour le paiement possible de la recrue durant qu’il ou qu’elle aille à l’école et pour le paiement de l’équipement ? Il est évident que pour chaque dollar dépensé sur un programme de conditionnement physique par le département, il recevra en retour sur tout ce qui touche la réduction des primes médicales, une meilleure productivité des employés et un meilleur moral.
Les problèmes de dos peuvent également survenir et s’ils apparaissent et persistent, il peut être difficile d’y remédier. Ainsi, tous les efforts doivent être faits pour les éviter. Une des grandes sources de stress pour le bas du dos est la flexion du tronc jumelée à une rotation, soit le même type de mouvement utilisé pour sortir et entrer dans une voiture de police. Ajoutez à cela une veste, une ceinture avec une arme, une radio et d’autres éléments essentiels à cette routine quotidienne et il est facile de prédire des problèmes de dos chez les policiers. Une importance sur l’entraînement du « core », soit des abdominaux et des lombaires, est donc capitale chez les agents de la loi.
Sur le point de vue de la sécurité du travail, un policier physiquement actif a de clairs avantages sur un policier inactif, dû à la demande dans certaines situations près d’un effort maximal. Toutefois, Ohe et coll. (1981) ont trouvé que le niveau d’énergie dépensé lors d’une journée type de travail d’un policier est très faible et que la position usuelle de travail est assise. Du même fait, après un an de suivi, les policiers auxquels leur travail a consisté principalement à de la patrouille en voiture n’ont pas maintenue le niveau de condition physique atteint lors de la formation de base, soit celle au collégial, les rendant plus susceptibles aux blessures (Stamford et coll., 1978). Le plus ironique est que les agences d’application de la loi dépensent de grosses sommes d’argent pour recruter le meilleur personnel possible pour le travail, mais échouent à faire un investissement dans un programme de conditionnement physique qui aiderait à maintenir le personnel en forme afin d’exécuter les tâches reliées au travail. La supposition que l’exercice n’est pas important pour la carrière d’un policier ne doit être seulement entendue que par des policiers qui ne donnent aucune valeur à leur carrière et à leur santé. Également, la littérature supporte le besoin d’un entraînement régulier pour les policiers dû au fait que le métier de policier est principalement sédentaire, bien que stimulant mentalement, avec des périodes occasionnelles d’efforts maximaux (Sorensen et coll., 2000). En outre, les demandes physiques du métier sont souvent inadéquates pour maintenir une condition physique nécessaire à exécuter des tâches peu fréquentes, mais qui peuvent sauver des vies (Stamford et coll., 1978). Ainsi, le niveau de condition physique d’un policier est déterminé par ses habitudes à faire de l’exercice durant ses loisirs.
Programmes d’entraînement pour policiers
En général, la majorité des articles reporte que les policiers possèdent une condition physique égale ou inférieure à la moyenne et très peu de recherches ont décrit les policiers comme étant au-dessus de la moyenne (Lee, 2003). Une revue de la littérature suggère également que les policiers atteignent une bonne condition physique durant le niveau collégial, mais que toutefois, sans maintien de cette condition, les gains acquis sont perdus rapidement (Lee, 2003). Ness et Light (1992) ont alors suggéré qu’un programme pour l’entraînement laissé de façon volontaire tend à ne pas avoir de succès et que pour être plus fructueux, il devra être obligatoire (Collingwood, 1988). Également, comme mentionné précédemment, plusieurs chercheurs trouvent que cela ne fait aucun sens de sélectionner des policiers sur la base de leur condition physique et leurs habiletés et qu’il n’y ait aucune exigence minimum sur ceux-ci afin qu’ils soient maintenus (Lee, 2003 ; Carter, 1982). De ce fait, le service administratif de police devrait considérer progressivement l’impact de l’inclusion d’un programme de maintien et/ou de développement de la condition physique de leurs policiers en termes de rendements sur le terrain.
Lors de la prise en charge d’un policier, le premier point important est que l’évaluateur détermine si le policier améliore ses niveaux de cholestérol et de pression sanguine, ses habitudes alimentaires, ses habitudes tabagiques et si son niveau d’obésité diminue. Le second point est de sauver de l’argent au système de santé. Une base de données devra donc être faite par les municipalités afin d’assembler les informations concernant l’absentéisme, les blessures, les réclamations d’assurance et les demandes d’indemnisation des policiers se soumettant à un programme d’entraînement sur une base régulière (Jeffrey et coll., 2004).
Du côté de l’entraînement en soi, un conditionnement métabolique spécifique ainsi qu’un entraînement en force et en pliométrie sont des méthodes efficaces autant pour l’athlète en sport que l’athlète tactique (Snyder, 2007). Soininen (1995) a trouvé qu’un programme d’entraînement de 8 mois est possible et améliore la santé et la capacité physique de travail pour des policiers d’âge moyen. Toutefois, les entraînements traditionnels négligent souvent la composante anaérobie ainsi que les exercices pliométriques, deux composantes dont les policiers ont le plus besoin ! L’utilisation d’un ballon suisse pour renforcer les muscles posturaux, spécialement au niveau des lombaires et des abdominaux et travailler d’un autre côté l’équilibre, la stabilisation et la coordination, est de plus très intéressant chez le policier. On visera tout d’abord à améliorer l’endurance de ces muscles et le côté plus dynamique et en puissance sera assuré par l’entraînement cardiovasculaire anaérobie idéalement réalisé à la course. Également, le programme devra permettre la pratique des sept mouvements primaires soit :
➢ Squatter ;
➢ Marcher (lunge) ;
➢ Tirer ;
➢ Pousser ;
➢ Flexion du tronc ;
➢ Extension du tronc ;
➢ Rotation du tronc.
Le but n’est pas de produire une super police qui pousse des voitures, saute par-dessus des immeubles, des murs ou autres obstacles et qui court toute la journée. En réalité, le but est de préparer le policier avec son propre potentiel génétique à performer dans son travail dans une optique à long terme, et ce, en bonne santé.
En vous souhaitant un bon entraînement !